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  • Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques des Camerounais de la Diaspora. Ce blog est un espace d'échanges et d'informations citoyennes en faveur de la mise sur pied d'un Etat de droit au Cameroun
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29 avril 2008

Que veulent les Camerounais de la diaspora ?

Nganang_PatriceIls veulent la totalité de leurs droits citoyens, c'est-à-dire le droit de vote et le droit d'être éligible au pays à tous les niveaux. Exigences peu révolutionnaires quand on y réfléchit, car les Camerounais de la diaspora sont totalement exclus de l'activité politique chez nous qui, pourtant, organisons des fêtes pour dire adieu à nos frères et sœurs quand ils s'en vont à l'étranger.

Quelle arnaque ! Pour les délester ensuite dans leur dos de tous leurs droits ! C'est que notre pays qui dans les textes de sa Constitution de 1996, a inscrit avec le principe de l'autochtonie un double régime de la citoyenneté, condamne déjà des millions de nos compatriotes à être de la diaspora.

En divisant des citoyens en 'autochtones' et 'allogènes', il fait des seconds des citoyens diasporiques à l'intérieur de leur pays, et cela devant nos yeux. Voilà où doit commencer qui veut parler des Camerounais de la diaspora, et de leurs pouvoirs : c'est-à-dire à l'origine de celle-ci dans la loi de l'exclusion qui régit notre pays, et dans l'acceptation distraite de cette loi mesquine. Ceux qui sont nés à Yaoundé, mais sont des 'ressortissants' disons Fulbé, sont d'emblée de la diaspora Fulbé dans la capitale ; mais l'exclusion est plus grave encore quand elle frappe d'impouvoir les anglophones par exemple, qui sont de toutes les façons dans une perpétuelle diaspora, eux que l'orientation de facto proto-jacobine de notre pays a jetés aux portes de 'La République'.

La somme des Camerounais qui se retrouvent au Gabon mais aussi au Nigeria, au Burkina Faso mais aussi en Afrique du sud, qui habitent la France mais aussi l'Allemagne, le Canada et les États-Unis, n'est que l'extension de la racine d'exclusion qui commence chez nous en réalité. Il est d'ailleurs très facile de voir comment dans ces pays-là, les communautés camerounaises reflètent la démographie de celles qui au pays-même, vivent le plus dramatiquement le régime de l'exclusion qui y sévit.

De même il n'est pas étonnant que cette diaspora répète dans le détail près les microstructures d'organisation sociale qui ont lieu au pays, des associations de football aux tontines de 'ressortissants' et aux réunions de clan d'âge ou salariales, et même aux veillées du week-end. En d'autres mots l'origine de la diaspora est inscrite chez nous dans la somme systématique d'exclusions de toutes sortes qui étouffe notre pays, et qui depuis juillet 1955 se cache sous les masques d'un régime politique assassin, pratiquement ligué contre les populations qu'il divise pour se conserver au pouvoir, et qui aujourd'hui se dit des grandes ambitions comme pour en un jeu de vocabulaire seul exorciser ses reflexes rancuniers.

Mais la diaspora du Cameroun n'est devenue une vague sociale que très récemment : il y dix-sept ans. N'oublions pas en effet que jusque là il fallait un permis de sortie, et même pour les femmes une autorisation du mari, pour quitter notre pays. Cette stratégie de 'containment' à la soviétique avait d'une certaine façon réussi au régime d'Ahidjo qui pouvait d'ailleurs faire le Cameroun se passer de télévision. Si donc le départ des populations camerounaises, et surtout celui massif des jeunes camerounais diplômés vers l'étranger est un phénomène plutôt nouveau, lié au temps de Biya ; si le rang aux devants des chancelleries expatriées a commencé au Cameroun bien après, disons, le Ghana ou le Nigeria, c'est parce que les causes sociales ne se sont ajoutée que très tard vraiment à la volonté de nombreux Camerounais de foutre le camp.

Il n'est que récemment non plus que les parents demandent à leur fils qui est en Occident, de ne plus rentrer au pays ; ou disent à des adolescents de dix-huit ans qui s'en vont pour la France d'oublier le Cameroun. Malgré cela, chacun d'entre nous serait certainement étonné si les images de l'exode famélique que nous lions encore d'habitude avec l'Ethiopie devenaient camerounaises. Pourquoi ? Eh bien, parce que beaucoup plus que les vagues sociales, c'est avant tout le régime politique camerounais qui jette les enfants de notre pays à la porte de chez eux.

Qu'à cela ne tienne : il n'y a pas de 'Little Cameroon' à New York, comme il y a par exemple un 'Little Senegal'. Les Camerounais ne maitrisent pas encore des branches particulières d'activité à l'étranger, comme les Somaliens par exemple au Cap, les Maliens à Paris, ou alors les Nigérians à Atlanta. Mais c'est parce que les trop multiples visages de l'exclusion camerounaise font qu'il soit impossible de parler vraiment de solidarité de destin, et donc de 'diaspora camerounaise'. Car en fait, le sort des très actifs 'South Westeners' refugiés à Washington DC concerne-t-il vraiment les nombreux francophones qui y résident ? Non. L'homosexuel camerounais qui se refugie en Afrique du sud où il peut vivre librement sa sexualité illégale chez nous émeut-il le refugié politique camerounais qui frappe aux portes du Burkina ? Non. L'étudiant qui s'inscrit dans une université au Canada se sent-il vraiment solidaire du sort des prostituées camerounaises de Paris ? Hum. Et qu'en est-il de l'employé camerounais de la Banque mondiale ? Ne vit-il pas dans son jacassant cocon loin des réfugiés économiques de son pays ? Par delà cette division intestine plutôt tragique, oui, tous ces Camerounais de la diaspora se retrouvent cependant autour de l'unité minimale que sont des structures comme Western union, Moneygram, qui résument d'ailleurs ce qui du pays est surtout attendu d'eux : l'argent. Ou alors, pardon, plus poliment : les investissements.

Or c'est ici que le bas blesse, car il ne peut y avoir d'action économique qui fasse sens dans la longue durée que si elle est assise dans une acquisition préalable de droits citoyens. Il y a quelques mois dans le cours des soulèvements de février, dans de nombreuses capitales européennes et américaines, des Camerounais de la diaspora ont fait entendre leur colère devant les ambassades du pays. Il y en a qui se sont mobilisés ensuite pour sauver le jeune Paulin Nouka, ce piroguier éventré à Douala par la soldatesque, et qui alors languissait à l'hôpital Laquintinie dans le silence général des médias.

Du Niger, de la Côte d'ivoire, de France, d'Allemagne, un comité international a été formé pour tirer Joe la Conscience et le millier d'autres jeunes de prisons, et a pu arracher au dictateur un ordre d'élargissement. Les visites de ce dernier dans ses villégiatures occidentales sont de plus en plus perturbées par la colère des activistes du CODE, qui devraient d'ailleurs ouvrir une antenne spéciale à Genève, je crois, pour encore mieux rendre ses ronrons impossibles.

Les droits ne se donnent pas ; ils s'arrachent. Déjà le 15 mars 1966, Castor Osende Afana, docteur en économie et figure primordiale des Camerounais de la diaspora, fut tué et décapité dans la jungle du Sud-Cameroun parce qu'il avait pris les armes pour mettre fin à ce régime de l'exclusion systématique qui aujourd'hui encore jette le million de Camerounais dans la diaspora, et leur enlève tous leurs droits. C'était il y a quarante-deux ans. Aujourd'hui nous en sommes encore à son exigence pourtant si minimale : le respect simple de la citoyenneté de chacun entre nous.

Patrice Nganang

Source: Le Jour
 

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